Démarche Artistique

L'œuvre de Caroline Milin questionne le territoire intime féminin, la place de la femme dans son rapport au monde et au mystère de la vie. Elle choisit le portrait comme sujet central.

Comment ces figures féminines aux regards profonds et à la nudité frontale interagissent avec ce qui les entoure ?

D'autres formes organiques, végétales ou animales apparaissent par superposition de couches caractérisées par leur transparence. Ce maillage de strates vient construire la composition, et soutient la volonté de porter attention à l'interconnexion des différents mondes régis par la conscience. La fusion qui s'opère dans la rencontre de l'espace du dedans et celui du dehors créé le "troisième territoire".

Caroline Milin utilise la peinture, les craies et des techniques d'impression pour définir la manière dont s'entremêlent ses paysages. D'un geste vif et intuitif, l'artiste stylise le monde sensible et invisible. Le décor est posé, le sujet prend alors vie. La couleur est choisie de manière précise. Les noirs sont profonds, et viennent poser la structure de l’œuvre.

Dans notre société d'où jaillisse des mouvements féministes extrêmes, certaines luttent contre les discriminations et se battent pour l'égalité. Il est question d'un combat pour lequel les femmes deviennent guerrières. Celles qui habitent les œuvres de l'artiste affiche leur souffrance et leur désir d'accéder à une juste place. Elles semblent libres comme ses oiseaux en plein vol et ses feuilles dans le vent.

Caroline MILIN se présente comme une artiste écoféministe, un choix qui est au cœur même de son engagement. Son travail ne s’inscrit pas dans un combat contre, mais dans l’affirmation d’une force profonde et organique. À travers ses créations, elle tisse un lien indissociable entre le féminin, la nature et le végétal. Chaque œuvre est une invitation à la prise en considération de notre écologie et à l’accueil de cette énergie du féminin, à la fois douce et puissante. Son art est un manifeste pour un féminin connecté, puissant et naturellement libre.

Après "Au-delà du regard" en 2016, "A fleur de peau" en 2018 et "Au cœur de l'intime" en 2020, Caroline Milin présente sa collection "Entre deux mondes" dans laquelle le corps de la femme, fort de ses blessures, dévoile une peau marquée des traces de la vie.

« Je me présente à nu devant vous tel que je suis avec mes failles et mes faiblesses, ma force et mes colères, mes douleurs et mes peines... Cette sensibilité qui peut exacerber mes émotions et renforcer mes souffrances est en fait une alliée précieuse, elle me permet de voir au travers et sentir que nous ne faisons qu'un. »

Ces dernières années elle se consacre à faire naître sous ses pinceaux des Gardiennes des liens, des Gardiennes de la Terre et des Déesses de la lune.

Dans chaque œuvre, la sérénité imposée par le regard de ces femmes est d'une grande générosité et d’une grande douceur telle une porte ouverte sur l'infini sécurisant et bienveillant.

À quel moment l'humanité entière laissera-t-elle place, enfin, à son féminin intime ?

Son œuvre

Caroline Milin est surtout connue pour ses portraits de femmes empreints de symbolisme. Ces peintures figuratives interrogent le regard que pose le monde sur ce féminin sacré. Ses premières peintures sont immenses, les portraits sont des fragments de visages monumentaux. Trois voyages importants marquent l'évolution de son travail. Le Mexique nourrit son amour pour la couleur pure, la Chine lui apprend le goût de la transparence et le Pérou ouvre des portes sur un monde invisible par la découverte du chamanisme. Elle évolue peu à peu vers un travail plus sensuel, plus sensible. Le corps apparaît. Elle utilise des supports tels que le papier et le tissu, matières poreuses et malléable comme la peau. Elle superpose des couches d'acrylique diluée, d'huile brillante et de pastel fondu à l'image de la complexité des sensations, émotions et traces qui constituent les mémoires du corps. Le dessin est inhérent à la peinture. Il souligne un mouvement, une énergie, une tension tout en mettant en valeur la douceur des regards. Aujourd'hui, Caroline Milin développe de nouveaux liens avec le monde de la musique et de la danse, lors de performances artistiques croisées.

Histoire d’artiste

La Gardienne des âmes résilientes

A l'adolescence mon monde a basculé. Un ami d'enfance, mon amour secret, meurt brutalement dans un accident de mobylette. La douleur m'a submergée, ma santé et ma scolarité se sont effondrées. C'est alors que le destin m'a offert une échappatoire, je suis venu vivre chez ma grand-mère à 250 kilomètres de chez moi, un sanctuaire où l'art régnait en maître.

Dans ma nouvelle chambre, quatre visages veillaient sur moi : celui de ma mère jeune, de ma grand-mère,  de mon arrière-grand-mère et une mystérieuse petite fille aux tresses, assise près d'un chat. 

Ces portraits de famille, témoins silencieux des histoires de résilience des femmes qui m'ont précédée, sont devenus mes premières gardiennes.

C'est là que tout a commencé. Comme si ces femmes encadrées m'avaient transmis une mission, je n'ai plus cessé de peindre des visages féminins – des femmes fortes, des femmes blessées mais jamais vaincues.

Les débuts furent chaotiques. Je cherchais l'approbation, je me perdais dans le regard des autres et le besoin d'être aimé. Pendant des années, j'ai lutté pour trouver ma voix, pour oser être authentique. C'est une profession où l'on doit se battre, où l'on doit croire en soi surtout quand votre entourage ne comprends pas vos choix et pense  que vous êtes en marge.

Il a fallu du temps, et j'ai eu la chance de rencontrer sur mon parcours des personnes qui ont cru en moi et qui m'ont donné les moyens de me construire. Les 15 dernières années de ma vie de femme, mère, conjointe ont été les témoins d'épreuves difficiles mais qui m'ont rendue plus forte.

Aujourd'hui, mes toiles racontent une histoire universelle. Mes gardiennes, avec leurs couleurs vives et contrastées, leurs lignes noires affirmées, fixent le spectateur d'un regard serein mais direct. Elles semblent dire : "Je suis là. J'ai ma place ici. Je suis valeureuse, courageuse et forte."

Ces femmes que je peins sont les détentrices d'un savoir ancestral. Elles comprennent que nous faisons partie d'un tout. Elles ont transformé leurs failles, leurs blessures et leurs vulnérabilités en un pouvoir presque magique. 

Elles portent en elles les symboles de l'éternité, de l'unité et de l'équilibre. L'astre lunaire, les oiseaux de la magicienne, les formes végétales évoquant la liberté – tous ces éléments composent un langage symbolique qui raconte leur histoire.

Ce qui me touche profondément, c'est lorsque mes collectionneurs versent des larmes devant mes toiles. Comme si mes gardiennes leur offraient une délivrance, un soulagement thérapeutique. Des femmes fortes intérieurement mais dont la confiance a été ébranlée me confient leurs histoires, leurs obstacles. Mes tableaux leur disent : "Je suis là. Moi aussi, j'ai traversé des épreuves. Je sais que toi aussi, ou certaines femmes que tu connais, avez vécu des moments difficiles. Aujourd'hui, tu peux transformer cette douleur en puissance."